jeudi 30 juin 2016

Bernie Worrel : Rest In "P"

Le geek des claviers aux allures du savant fou et Merlin l'Enchanteur du P-Funk, Bernie Worrell est parti rejoindre le Mothership quelque part dans la galaxie, ce 24 juin 2016.






Enfant prodige du piano doué de l'oreille absolu, Bernie a tôt fait de déserter les bancs des concertos pour accompagner les vedettes du R n' B sur le "chitlin' circuit" des 60's avec de rejoindre Funkadelic à l'aube des 70's. Moins exposé que ses compères George Clinton et Bootsy Collins, il était pourtant à leurs côtés l'un des architectes du son P-Funk.

Défricheur de sons, Bernie aura été l'un des pionners du Moog,ce qui ne l'empêchait pas de jouer de tout ce qui comporte des touches noires et blanches: Yamaha, ARP, Clavinet, mélodica... Il restera notamment dans l'histoire pour avoir eu l'idée géniale de superposer trois Minimoogs afin d'en extraire le son de synthé basse révolutionnaire du séminal "Flashlight" de Parliament.

Son sens absurde de l'à-propos, ses influences baroques et son goût pour l'expérimentation ont ainsi marqué nombre de productions, au delà même du giron P-Funk puisque Bernie collaborera à partir des 80's avec pléthore d'artistes dans des univers très variés, notamment, les Talkings Heads (voir le live "Stop Makin' Sense"), Fela Kuti (l'album "Army Arrangement") ou encore Keith Richards (l'opus solo "Talking Is Cheap").

L'influence de Worrell se fera entendre dans les 90's à travers le son G-Funk initié par Dr. Dre ("Dr. Dre should have a holiday for Bernie Worrell" , selon Mos Def), tandis qu'il poursuivra jusque dans les années 2010 les tournées avec ses Woo Warriors ainsi que les collaborations les plus improbables (l'excellent "Transmutation" de Praxis sous l'égide de Bill Laswell en 1992 ou encore "Turn My Teeth Up de baby Elephant avec Prince Paul et Newkirk en 2007).

Geek des claviers aux allures du savant fou et Merlin l'Enchanteur du P-Funk,  Bernie Worrell est finalement parti rejoindre le Mothership ce 24 juin 2016, date terrestre. Nul doute que les sons cosmiques de cet homme de l'ombre modeste et insuffisamment reconnu de son vivant seront plus à même d'être appréciés, quelque part dans l'univers, par une hypothétique civilisation en avance sur nous de quelques années lumières...

 Pour les retardataires, petite séance de rattrapage:


  • Flashlight de Parliament ("Funkentelechy vs The Placebo Syndrome", Casablanca 1977) où quand Bernie permet à Parliament de scorer son premier #1 R&B tout en imposant un son de synthé basse qui fera école:


  • "War Ship Touchante" des Brides Of Funkenstein ('Funk Or Walk", Atlantic 1978) ou l'incursion du Funk dans la Sci-Fi avec l'emprunt du thème de "Rencontres du Troisième Type": 

  • "Atmosphere" de Funkadelic ("Let's Take It To The Stage", Westbound 1975) ou le maestro en plein délire baroque:


  • Les sons spatiaux du "Mothership Connection" de Parliament ("Mothership Connection", Casablanca 1975) inspireront à Dr. Dre l'acquisition d'un synthétiseur Moog lors d'une brocante de quartier et la création de son G-Funk (écouter à partir de 5 min 12s): 




  • 1984, Worrell colore le son des Talking Heads tout en leur apportant une crédibilité funk au rock arty du groupe new-yorkais:


  • "Time Was (Events In The Elsewhere)" et sa superbe intro sur l'excellent album solo "Blacktronic Science" (Gramavision 1993):


  • Intergénérationnel, Bernie s'offre une récréation avec ses potes Les Claypool et Buckethead au sein   du Colonel Claypool's Bucket Of Bernie Brain (""The Big Eyebal In The Sky", Prawn Song 2004):


jeudi 23 juin 2016

Video: Thundercat - "Song For The Dead "

Le super-héro Thundercat dévoile une vidéo en forme de trip animé pour la très introspective "Song For The Dead", tirée du mini-album "The Beyond/Where The Giants Roam" (Brainfeeder, 2015):




Un voyage intérieur qui n'est pas sans rappeler l'esprit et le graphisme de la série animée "Arzach Rhapsody" du regretté Moebius:



mercredi 22 juin 2016

The Claypool Lennon Delirium - The Monolith Of Phobos (ATO Records ‎– 2016)

Avec "The Monolith Of Phobos", The Claypool Lennon Delirium nous offre un bazar halluciné qui mérite bien le nom de monolythe tellement la rencontre de deux univers a priori très éloignés abouti à une suprenante homogénéité. 



Les plus perspicaces d’entre l'auront deviné, ce « The Monolith Of Phobos » de The Claypool Lennon Delirium est le fruit de la collaboration improbable entre Les Claypool, bassiste iconoclaste de Primus, et Sean Lennon, le fils de vous-savez-qui.  Un  bazar halluciné qui mérite bien le nom de monolythe tellement la rencontre de deux univers a priori très éloignés abouti à une suprenante homogénéité. 

Le contraste entre l’approche instinctive de Claypool et la délicatesse des mélodies tordues de Sean permet en effet la mise en valeur de chacune dans un équilibre parfait. Sean Lennon y trouve ainsi une occasion de d’affirmer son identité musicale en empêchant la phagocytose du projet par Claypool et offre par la même occasion un coup de frais bienvenu à la singularité du bassiste confinant parfois à l’auto-parodie à force de tourner en rond.

Psyché, malsaine et funky, la musique du duo est aussi aventureuse que celles des 60’s et 70’s dont elle semble directement s’inspirer.

Lennon et Claypool se partagent à tour de rôle batterie et mellotron, chacun conservant l'exclusivité de son instrument de prédilection (guitare acide pour l'un, basse élastique pour l'autre), ainsi que la production pour un son organique et plutôt rétro.  Des sonorités kitsh illustrent ainsi l’ambiance spatiale du morceau titre qui ouvre l'album: tandis que le diptique « Cricket And The Genie » évoque ainsi le meilleur du prog originel:




Les voix aux timbres toonesques se complétent à merveille, invitant l’auditeur à des réflexions métaphysique sur le satellite de Mars ou encore  l’absurdité de l'existence de Bubbles, le chimpanzée de Michael Jackson, sur le superbe « Bubbles Burst » (pour l’anecdote, Sean Lennon a vécu une enfance princière qui l’a notamment amené à séjourner à Neverland et à jouer dans le long métrage « Moonwalker »):




Si les supergroupes et autres rencontres au sommet ne sont souvent que des pétards mouillés, The Lennon Claypool Delirium fait figure d’exception en nous offrant un album inventif qui, s'il ne sera certainement qu'un one-shot, marquera la discographie de chacun de ses coauteurs.