dimanche 31 décembre 2017

Yoda, Maître Jedi... ou Maître Zen?

"Star Wars Episode VIII: Les Derniers Jedi", dernier opus en date de la saga, semble traversé de véritables éclairs de fulgurances zen.

Yoda Zen
 
Je n'ai rien contre "Star Wars". Pour autant, si je ne doute pas de la sincérité des fans les plus hardcore de la franchise, l'engouement excessif entourant la sortie de chaque nouvel épisode  m'a toujours un peu fatigué. Surtout, et malgré ses évidentes qualités de divertissement, la saga m'a toujours paru un brin prétentieuse alors même qu'elle semblait souffrir d'un certain manque de profondeur.

La réflexion sur les origines et le devenir de l'univers, demeure depuis toujours le sujet de prédilection de toute oeuvre de science-fiction. "Star Wars" pouvait aisément s'en passer. L'originalité et la richesse de son univers suffisait à palier toute insuffisance sur le fond, d'autant plus que ce space opera semble au final se rattacher davantage à la sphère du fantastique au sens large qu'à celle de la science fiction.

Le concept fumeux entourant la religion Jedi m'a ainsi toujours paru n'être qu'un malheureux cache-misère, plus à même de mettre en lumière l'indigence philosophique de la saga qu'à lui donner un semblant de profondeur - ce qui était, j'imagine, l'effet escompté. Dommage, tellement il était évident que George Lucas avait puisé son inspiration dans une matière de premier choix: le folklore bouddhique, et plus particulièrement le zen japonais. La robe de Yoda, comme sa manière éliptique de s'exprimer, n'est en effet pas sans  rappeler les maîtres Zen les plus illustres. 

Le dernier opus en date, "Star Wars Episode VIII: Les Derniers Jedi", visionné au cinéma lors d'un paresseux après-midi de vacances de Noël m'a toutefois  amené à réviser mon jugement. Ce film, s'il verse parfois dans le cliché mystico-oriental (Luke Skywalker méditant en lévitation sur un rocher) est, en effet,  traversé à d'autres endroits de véritables éclairs de fulgurances zen.

Le premier d'entre eux intervient lorsque Luke présente la Force comme le principe reliant toutes choses entre elles, faisant ainsi écho au concept d'interdépendance. En effet, selon la doctrine bouddhique, rien n'a d'existence propre car tout ce qui est dans l'univers se trouve au carrefour d'une multitude de chaînes de causes à effets. La chenille existe car elle est en mesure de se nourrir de la feuille. La feuille provient quant à elle de l'arbre qui, lui-même, ne saurait exister s'il n'était pas planté dans la terre, etc... Selon Dõgen, fondateur de l'école zen Soto, l'observation de la nature   permet de contempler la Dharma, soit la réalité ultime de l'univers. Or, dans le film, l'apprentie Jedi Rei saisit justement la nature profonde de la Force en se plongeant dans l'observation du cycle de régénération organique de la nature, laquelle renaît continuellement en se nourrissant de sa propre matière putréfiée.

Plus loin, Yoda surprend Luke alors que celui-ci, déçu par l'échec des Jedi à assurer l'équilibre entre les côtés clair et obscur de la Force, s'apprête à bruler les écrits fondateurs de la religion Jedi. A la grande surprise du spectateur, Yoda devance son élève mais met lui-même feu aux illustres volumes. Ces lectures sont distrayantes, explique-t-il pour justifier son geste, mais le Jedi doit être en mesure de se passer de ces écrits.

On peut ici voir une référence à un célèbre koan Zen. Lorsque l'un de ses élèves a demandé au maître zen Unmon ce qu'était le Bouddha, ce dernier lui a répondu qu'il n'était rien d'autre qu'un "bâton à merde", signifant ainsi que tout le canon des textes bouddhistes n'était au final que du papier bon pour se torcher les fesses! (Pour ceux que le sujet intéresse, l'art de s'essuyer les fesses fait l'objet d'un long développement dans l'un des chapitres du Shobogenzo, l'un des textes fondateurs du zen Soto.) 

Le satori (illumination) consiste en effet à faire l'expérience ultime de la réalité, à acquérir une vision pure et objective du monde en se débarrassant des filtres psychologiques et culturels par lesquels est habituellement conditionné l'observateur. La réalité, insaisissable par l'intellect, ne saurait donc être appréciée à travers le prisme étroit d'une quelconque doctrine philosophique ou religieuse. Le Dharma (enseignement) doit être vu comme un chemin et non comme une finalité. L'élève parvenu à maturité doit alors être en mesure de se débarrasser de toute vision conceptuelle pour atteindre l'illumination.

A ce moment du film, Luke a refusé de prêter main forte à l'Alliance rebelle dans son combat contre le Premier Ordre, nouveaux représentants du côté obscur de la Force.  Pour rappeler son élève à l'essentiel, Yoda l'enjoint d'arrêter à se perdre en élucubrations sur la légitimité des Jedi alors même que la raison d'être de l'Ordre se trouvait "ici et maintenant", juste sous son nez, alors que Rei tentait de la convaincre de partir en bataille à ses côtés! 

L'ancrage dans l'ici et le maintenant est l'essence de la pratique de zazen (méditation assise). La doctrine bouddhique part en effet du principe que la  vie est par nature "frustration" (Dukkha). Cette frustration est causée par notre attachement aux choses,contrarié par la nature changeante et impermanente de l'univers (chaque chose vieillit, meurt, disparaît pour être remplacée par une autre).  La frustration découle également de l'illusion qui nous pousse à toujours à imaginer que la réalité a davantage à nous offrir que ce qui nous est déjà directement disponible (le gazon du voisin est toujours plus vert que le nôtre). Or, en se concentrant sur l'ici et le maintenant, le méditant parvient à apprécier chaque chose pour ce qu'elle est dans son état présent tout en acceptant son caractère impermanent...

Bon, j'imagine qu'il y a encore beaucoup à dire sur le sujet! Une rapide recherche sur Google m'a d'ailleurs appris, sans surprise, que d'autres avaient déjà pointer et creuser le sujet des influences bouddhiques dans "Star Wars". Un livre entier est d'ailleurs consacré à cette étude: "The Darma Of Star Wars", écrit par un certain Matthew Bortolin. Quant à moi, je n'ai plus qu'à me taper l'intégralité de la saga pour réviser mon jugement, peut-être un peu hâtif, sur la portée philosophique de l'oeuvre...


lundi 18 décembre 2017

Space Cadets - Da Bomb (Vanguard Records - 1982)

 "Space Cadets" réunit un casting stellaire (Bernie Worrell et TM Stevens en tête) et propose une orgie de P-Funk totalement décomplexé.


Plutôt que de cadets de l'espace, ce groupe est en réalité composé d'une belle brochette de vétérans du funk. Visez plutôt: deux figures du P-Funk - le claviériste Bernie Worrell et le batteur Tyrone Lampkin -, le bassiste TM Stevens et Kevin Goins (ex- Quazar). Rien que ça ! Un certain Nairobi Sailcat officie à la guitare tandis que les vocaux sont assurés par Jesse Rae, une espèce de timbré en kilt qui collaborera plus tard avec Roger Troutman.

Cet album éponyme, s'il ne réinvente pas la poudre, n'en est pas moins foutrement efficace ! Guitares passées au phaser, voix filtrées à l'hélium et claviers intergalactiques participent ainsi à l'érection d'un véritable château gonflable funk aux grooves ludiques et pneumatiques. Parmi les morceaux les plus marquants, on pourrait citer « Make Me Funk (Fonkin'Straight Ahead) , véritable invitation au headbangin', « Love Slave » et sa ligne de basse insensée ou le gravement débile « Mother », énième variation sur le thème du standard « Louie Louie ».


S'il fallait trouver un mot unique pour décrire cet album, ça serait certainement l'adjectif « stupide » : crétin au point qu'il en devient génial (l'album a d'ailleurs été réédité en CD sous le titre "Da Bomb" avec, en autres bonus, le fort à propos "Lez Git Stoopid"). En somme, on pourrait en quelque sorte voir dans ce P-Funk bubble gum l'équivalent musical d'un repas au Mc Do : un plaisir superficiel et un peu coupable mais immédiat et franchement jouissif.

Sorti en 1981, soit après l'effondrement de l'empire Parliament-Funkadelic, "Space Cadets" est un peu la poire pour la soif du funkateer en rade de P. L'album que l'on découvre une fois que l'on a épuisé le répertoire entier de George Clinton, et que l'on fouille désespérément les coins, avec le vague espoir de tomber sur une ultime dose de P-Funk...

mercredi 29 novembre 2017

"A la recherche de l'Ultimate Mix" de Fonk et Filips (1986)

Les aventures de Moses Viders, funkateer à la recherche de l'Ultimate Mix. Une BD ultra funky signée Fonk (scénario) et Filips (dessins).


Imaginez un New York dystopique dans lequel le Funk aurait été privatisé par l'élite, contraignant les funkateers à se rendre dans des clubs glauques une fois la nuit tombée pour satisfaire leur appétit de groove. A condition toutefois d'avoir su échapper aux pluies acides ("Putain de liquid!") et à la milice armée des Atomic Dogs, prête à vous lancer un vinyle au travers du crâne! Dans ce contexte, le héro Moses Vider va tenter de rendre le funk au masses en retrouvant l'Ultimate Mix,  véritable Saint Graal du groove confisqué par l'infâme DJ Sir Nose !   

Vous l'aurez compris, "A la recherche de l'Ultimate Mix" s'adresse avant tout aux timbrés de funk. Les références à cette sous-culture musicale pullulent au fil des pages, des plus évidentes (le personnage d'Afrodisia calqué sur la muse princière Appolonia) aux plus obscures (le groupe Jimmy G & The Tackheads a réellement existé!). L'initié prendra notamment un malin plaisir à reconnaître les citations de James Brown, Sly Stone et autres George Clinton tagués sur les murs d'un New York glauque et crados.

Un hommage au groove sur le fond mais également en la forme, grâce au dessin ultra-funky de Filips (déjà auteur de la fameuse pochette du 45 tours "Bouge de là" de MC Solaar). Petit spoiler, pour terminer: l'Ultimate Mix existe réellement... Il s'agit bien évidemment du 'One Nation Under A Groove" de Funkadelic!






lundi 6 novembre 2017

Funkadelic: Reworkd By Detroiters (Ace Records - 2017)

Avec "Reworked By Detroiters", le label Ace Records  propose une relecture intéressante du Funkadelic période Westbound par la scène electro de Detroit.




Lire notre chronique complète sur Funk-U.

dimanche 29 octobre 2017

"Capitaine Superslip" de David Soren (2017)

Derrière sa débilité de surface, "Capitaine Superslip" défend le pouvoir salvateur de l'absurde et de l'imagination comme seuls remparts contre un monde désespérément triste et rationnel, nourri par les névroses des adultes. Mais surtout, quelle poilade!


Le public s'est pas mal déchaîné sur la toile contre "Capitaine Superslip", dernier film d'animation des studios Dreamworks. Bizarrement, la critique "professionnelle", d'habitude plutôt incline à doucher l'enthousiasme des masses, a semblé apprécier, encourageant les spectateurs à ne pas se laisser tromper par la débilité assumée du titre.

En réalité, il n'est pas compliqué de comprendre pourquoi la critique a mieux apprécié ce film que nous autres, pauvres mortels aux goûts désespérément populaires. Le fait est que les salles projetant les films d'animation sont plutôt fréquentées par des familles venues offrir un moment de ciné à leur progéniture.  Quant aux critiques, hé bien c'est leur boulot de mater des films. J'imagine donc que, de la même manière que vous n'emmenez pas vos enfants au boulot, ces projections professionnelles se déroulent entre adultes (et c'est également mon cas:  je vais moi-même voir ce genre de film tout seul, comme un grand!).

Or, les parents semblent se fier avant tout à la réaction de leurs enfants pour juger de la qualité d'un film. Mais pas seulement! Les papas et mamans étant ce qu'ils sont, un tas de trucs ringards et ennuyeux rentrent en compte pour déterminer ce qu'ils ont, eux-même, pensé du film, au premier lieu desquels la "valeur éducative" de l'œuvre.

Et c'est justement là le problème! "Capitaine Superslip" n'est, au premier degré, qu'un délire régressif à l'humour scatologique décomplexé (et totalement jouissif!). Les valeurs morales défendues par le film, l'amour et l'amitié soit rien de très original, semblent traitées à la va-vite, comme pour remplir le cahier des charges. Et pourtant...

Derrière la crétinerie sans fond défendue par le film, se cache une vision du monde aussi exacte que subversive, malheureusement inaccessibles aux trop jeunes enfants et, il faudrait le croire, perdue pour un grand nombre d'adultes.

Georges et Harold sont donc deux élèves de CM1 fréquentant un établissement scolaire cauchemardesque dirigé d'une main de fer par l'irascible Proviseur, Monsieur Chon-Chon. Celui-ci, ultra terre à terre et rabat joie, mène la vie dure à nos deux protagonistes, dont les passes-temps favoris consistent à jouer de sales tours à leurs profs et créer des BD mettant en scène un super héro complétement absurde, le Capitaine Superslip. C'est alors que les deux amis parviennent à hypnotiser Chon-Chon et à lui faire endosser le costume (plutôt léger) de leur personnage favoris. Ils auront alors à affronter le professeur Crotofesses (malheureuse traduction du nom original Poopypants), scientifique timbré bien décidé à faire disparaître le rire de la surface de la planète!

Le film offre ainsi une vision très grise du monde des adultes, normé, ennuyeux, nourri par les névroses des figures institutionnelles qui le dirige et dont les enfants ne sont que les pauvres et innocentes victimes. Car au final, si Monsieur Chon-Chon est si ronchon, c'est qu'il est au fond très seul et malheureux. Quant au professeur Crotofesses, ce sont les moqueries essuyées (et plutôt mal, si j'ose dire) à cause de son nom qui l'ont rendu si amer.
 
En réalité, plutôt que la bêtise et comme le faisait déjà l'excellent "La Grande Aventure Lego", c'est en réalité le pouvoir salvateur de l'absurde et de de l'imagination comme seuls remparts contre un monde désespérément triste et rationnel, que défend le film. Une double lecture sans doute  difficile à appréhender pour des bambins encore épargnés par les vicissitudes de la vie en société. Les adultes, eux, n'ont en revanche pas d'excuse. Alors, Chonchon ou Superslip, choisissez votre camp!

vendredi 27 octobre 2017

Bootsy Collins - World Wide Funk (Mascot Records - 2017)

Dans World Wide FunkBootsy Collins ne déroge pas à la formule initiée il y vingt ans déjà sur Fresh Outta P University. À savoir une liste d’invité longue comme le tarin de Sir Nose et un son à mi-chemin entre tradition P-Funk et tonalités contemporaines.



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dimanche 15 octobre 2017

Alice Cooper - Zipper Catches Skin (Warner Bros - 1982)

Retour sur "Zipper Catches Skin", le vilain petit canard de la discographie d'Alice Cooper. Un album à zipper, peut-être, mais surement pas à zapper!




"Special Forces" (1981) est souvent saluée comme une réussite, une habile adaptation du shock rock d'Alice Cooper au style new wave alors en vogue. "DaDa" (1983) déchaîne les passions, certains y voyant un chef d'oeuvre caché et d'autre le naufrage final d'un artiste en plein delirium tremens. En revanche, "Zipper Catches Skin" (1982) est généralement ignoré, coincé entre les deux albums susvisés comme "peau de zob dans une braguette" (c'est effectivement la traduction littérale de son titre).

C'est bien bête.

Ce n'est jamais marrant de voir un artiste sombrer dans l'alcoolisme. Et franchement, le look d'Alice époque "Special Forces" faisait plutôt penser à une drag queen de seconde zone rescapée d'un accident de la route qu'au membre d'un commando urbain terrorisant la ville à bord d'une jeep blindée, comme était sensé le suggérer le thème de l'album. "Zipper...", lui, a au moins le mérite d'être un disque fun et sans prise de tête autour d'un quelconque concept foireux.

Musicalement, le Coop'   poursuit dans la veine new wave initiée par l'album précédent. Mais là où "Special Forces" faisait la part belle aux synthétiseurs, "Zipper Catches Skin" marque un net retour aux guitares tout conservant une approche brute et dépouillée. On peut même y voir, toute proportions gardées, une sorte d'album punk du Coop', pas tellement éloigné de ceux qu'enregistrait Iggy Pop à la même période (genre "Soldier" ou "Party"). Une approche musicale particulièrement efficace et jouissive. En plus, l'album est intelligemment divisés en deux face: la première lente et sophistiquées, la deuxième plus speed et azimutée.

Conceptuellement, et contrairement à la plupart de ses prédecesseurs, "Zipper Catches Skin" ne se rattache à aucun idée centrale, susceptible d'un faire un tout cohérent.
Mon délire personnel est toutefois d'écouter cette album d'une traite en suivant la logique propre d'un zapping télé du samedi soir. On saute entre, sur cette chaîne, un conte de noël  ("Make That Money (Scrooge's Song)" en référence au personnage de Charles Dickens) et, sur celle-ci,  en feuilleton en noir et blanc ("Zorro's Ascent") .

[ Petite parenthèse sur cette "ascension de Zorro" qui ouvre l'album par un rock hispanisant. Alice nous conte la mort du héro ("Zorro gît, sans vie, sous le soleil d'Espagne (...) Il a tiré l'épée de son fourreau. Ils étaient venus avec des flingues" - à propos, les aventures de Zorro se déroulent bien en Californie, alors mexicaine, et non en Espagne!).  En effet, il a passé sa vie à voler son prochain mais avec le soucis de défendre l'opprimé ("Fouille ma poche, padre. Cache cette bourse d'or dans ta coiffe et que les maigre paysans se repaissent du bout de gras arraché à une quelconque aristocrate"). Alors, est-il promis à l'enfer ou au paradis?"Vous embêtez pas à prier pour moi" répond-t-il, car "Je suis le renard et je vais où il me plaît. Si les cieux m'ignorent, le diable m'adore (...) Et si Satan me dérange, le paradis a du boulot pour moi". C'est pas du texte ça? Dommage que les artifices grand guignol aient souvent fait de l'ombrage au talent d'auteur de Vincent Furnier.]

Zap. Sur cette chaîne, on enchaîne deux films de science-fiction. ""Class Of '84", d'abord, starring Micheal J Fox et avec sur sa BO "I Am The Future". Composée par le légendaire Lalo Schifrin et chantée par Alice, cette excellente ballade futuriste dresse le décor d'une société dystopique, rongée par l'isolement et l'insécurité.

Suit une quelconque série B narrant l'invasion de la terre par de belliqueux aliens. "No Baloney Homosapiens" est pourtant dédicacé à Steven Spielberg et E.T, le gentil extraterrestre. Un excellent morceau, introduit pas un superbe arpège de guitare, sur lequel le Coop' supplie une race d'aliens voraces d'épargner l'humanité car ne nous sommes pas des "baloney homosapiens". Le texte est à la fois touchant et marrant car reposant sur un jeux de mot crétin autour du double sens du terme baloney (bidon/saucisse). Les homosapiens c'est pas du bidon ni des saucisses, mais des êtres sensibles. "Mon sang est rouge, vous c'est de la glue noire qui coule. Mais ne pourrions pas, justement, éviter les saignements ? Ca vous irait? ".

Zap! Nous voici maintenant en seconde partie de soirée mais également sur la seconde face de l'album. Très homogène, elle enchaîne des morceaux rock directs et sans fioritures. La trilogie centrale de l'album ("Adaptable", I Like Girls", "Remarkably Insincere") est un film érotique de seconde zone. Alice y campe un séducteur cynique et menteur, prêt à sauter tout ce qui bouge en s'enfonçant dans le stupre et le mensonge.

Zap!  On tombe maintenant sur un slasher movie avec "Tag, You're It" et sa référence au film "Halloween" de John Carpenter. Tapis dans l'ombre, une paire de ciseau entre les doigts, Alice s'amuse à persécuter sa pauvre fiancée, Debbie.

L'album finit sur deux morceaux particulièrement jetés, dopés par les coeurs de Flo & Eddie (les chanteurs des Turtles avec leur tube "Happy Together"). "I Better Be Good" sonne suffisamment punk pour passer pour un morceau des Dead Kennedys. Quant au titre de clôture "I'm Alive", c'est un concentré de crétinerie décomplexée. Sur un tempo effréné, Cooper est sauvé de divers périls par ses défunts animaux domestiques soudainement ramenés à la vie. Le fantôme de son chien le sauve de la charge d'un semi-remorque, celui de son cheval d'une chute dans un canyon, tandis que ses amis les rats lui viennent en aide quand il pénètre imprudemment le territoire urbain de la bande des Crutches.
Bref, vous l'aurez compris: malgré l'absence de classiques, "Zipper Catches Skin' est un sacré délire régressif avec son titre stupide et sa brochette de morceaux débiles. Un album à zipper, peut-être, mais certainement pas à zapper!

"Paradise Alley" de Sylvester Stallone (1978)

"Paradise Alley" ("La Taverne de L'enfer" en VF) ou la première réalisation d'un jeune premier nommé Sylvester Stallone. 


Taverne de l'Enfer


Pour la plus grande partie du public, Sly est cette figure de film d'action bodybuildée dont les hauts faits des années 80 et 90 hantent désormais les premières et secondes parties de soirées sur RTL9.  Ce que beaucoup ignorent, ou ont oublié, c'est qu'avant d'épouser ce stéréotype, la star a percé à travers des rôles dramatiques marquants et écrits sur mesures par Stallone lui-même.

En effet, si la suite de la saga verse dans la beaufitude, le premier "Rocky" (1976) est un excellent drame social hanté par des personnages cassés par la vie et néanmoins très attachants.  Stallone campe ainsi Robert "Rocky" Balboa, un boxeur de seconde zone, profite d'une opportunité pour affronter Appolo Creed, champion du monde des poids lourds. Porté par l'amour d'Adrian, Rocky perdra le match mais gagnera son combat contre lui-même en résistant 15 rounds durands  au gnons et beignes administrées par le charismatique Appolo.

L'histoire du film est bien connue. Stallone, acteur fauché, en a écrit le scénario et accepté de baisser le prix offert par la production, à la condition d'interpréter lui-même le premier rôle, pour lequel Robert Redford avait été un temps pressenti. Un coup de poker qui s'est avéré payant:  trois victoires aux Oscars 1977, le lancement d'une série à succès et une vitrine de luxe pour les talents dramatique et d'écriture de Stallone...

Alors, comment est-on passé de "Rocky" à "Cobra" puis "Expendables"? La tentation hollywoodienne, la concurrence avec Schwarzy, la grosse tête (de l'aveu même de l'intéressé)... La conjoncture temporelle aussi, Sly s'étant vautré avec gourmandise dans le mauvais goût des 80's. La bascule s'est certainement produite en 1985 avec "Rambo 2" mais les tape-à-l'oeil "Rocky 3" et "Staying Alive" (improbable séquelle à "Saturday Night Fever" réalisée par Sly lui-même) en annonçaient déjà les signes avant-coureurs.

Reste qu'avant le déclin, Stallone a eu le temps d'inscrire son nom au générique de films à la trame dramatique un peu plus développées, parmi lesquels ce "Paradise Alley" (1978).  L'allée du Paradis. Une traduction littérale tout de même plus classe que "La Taverne de l'Enfer", nom sous lequel le film est connu en France. Un titre bien gaulois qui fait malheureusement fi de l'ironie de la version originale (le film se déroule à Hell's Kitchen, un quartier craignos de New York). Les italiens ont, eux, opté pour un hybride: "Taverna Paradiso". Allez comprendre...

L'action se déroule en 1942 et suit les déboires de trois frères italo-américains faisant de leur mieux pour sortir de leur misère matérielle et sentimentale. Lennie - le corque-mort unijambiste, raisonné et taciturne -, Cosmo - le beau parleur interprété par Stallone - et Victor - le cadet, gentil simplet bâti comme un chêne. Pour réaliser ses rêves de succès, Cosmo va persuader Victor de se lancer dans une carrière de catcheur. Un projet d'abord vu d'un mauvais oeil par Lennie, qui va néanmoins finir par accepter de manager son petit frère. Des tensions, alimentées par une vieille rivalité amoureuse, vont alors ternir les relations entre les deux aînées alors que Victor se démolit progressivement la santé sur le ring...

Car dans le catch version Stallone, les lutteurs se mettent vraiment sur la tronche, alors même que, dans les années 40, la nature simulée de la discipline était déjà largement connue...  Quoiqu'il en soit, le film bénéficie de la présence de légendes du catch, notamment Terry Funk dans le rôle du vilain Franckie la Tabasse, et les combats sont plutôt bien chorégraphiés (un autre grand talent de Stallone).
Pas vraiment porté sur la subtilité, Stallone met également le paquet pour nous dépeindre la misère d'un Hell's Kitchen aux allures de Londres de Dickens et à la population digne de la proverbiale cour des miracles. Pas étonnant dès lors, d'y croiser Tom Waits à la fois dans un de ses premiers rôles au cinéma, celui d'un joeur de panio bar, et comme contributeur à la bande originale du film (signée Bill Conti, déjà auteur du score de Rocky).

Sur le papier, "Paradise Alley" devrait être le film le plus personnel de Stallone. Non content d'en avoir écrit le scénario, de la réaliser et de l'interpréter, à la manière d'un Orson Welles, Sly va même jusqu'à chanter le générique du film. "Too Close To Paradise", une chanson classieuse et dégoulinante de sentimentalité.




Un film personnel également en ce qu'il réunit plusieurs obsessions stalloniennes. 

Il y a en effet un peu de Rocky -l'alter ego de Sly - dans Commo, le personnage campé par Stallone. S'il n'est pas aussi sympathique que le boxeur au grand coeur, il partage le même bagou et sens de la vanne vaseuse ainsi qu'un profil de loser magnifique.  

On pourrait également se risquer à voir dans Lennie, le frère maudit estropié par à une blessure de guerre, un drôle d'écho anticipé au message porté par  "First Blood" (1982), le premier Rambo. Il faut en effet rappeler qu'à l'instar de la franchise Rocky, la série des Rambo était alors porteuse d'une dimension sociale, rapidement troquée contre la panoplie clinquante du mauvais goût 80's.  Ainsi, dans le premier opus, John Rambo est un vétéran de la guerre du Viêt Nam, errant à travers le pays, hébété par le traumatisme de la guerre. Quand il est arrêté pour vagabondage par un shérif au patriotisme zélé supportant mal de voir déambulant ce symbole de défaite nationale dans sa ville, Rambo se transforme en machine de guerre, conditionné par ses douloureux souvenirs de guerre.

Malheureusement, Sly, victime de la dictature de la production, devra opérer des coupes dans les scènes au détriment de la cohérence et de la crédibilité du scénario. Il faut reconnaître que l'interversion des caractères entre Como, le beau parleur rapidement rattrapé par ses scrupules, et Lennie, dont le bon sens ne tarde pas à être émoussé par l'appât du gain, paraît un peu soudaine et que l'évolution des personnages aurait certainement mérité d'être davantage creusée...

On pourrait également reprocher à Stallone d'avoir cherché à tirer sur les mêmes grosses ficelles que celles de "Rocky". La fin de ce "Paradise Alley" est effectivement marquée par un combat particulièrement éprouvant entre Victor et Franckie la Tabasse et qui n'est pas sans rappeler celui de l'étalon italien face à Appolo Creed.

"Paradise Alley" n'en reste pas moins un film super plaisant, son charme 70's n'y étant certainement pas pour rien. Il permet, surtout, de redécouvrir un Stallone plus sincère et intimiste et aux talents multiples, à des années lumières de l'image du Monsieur Biscotos à laquelle il est malheureusement bien souvent réduit...

dimanche 22 janvier 2017

"Paterson" de Jim Jarmush (2016)

Dans son dernier film, Jim Jarmusch nous invite à suivre pendant une semaine le quotidien de Paterson, chauffeur de bus introverti exprimant sa vie intérieure à travers la poésie qu'il couche chaque jour par écrit sur son précieux carnet.

Paterson, la ville dont il partage le nom et que lui-même habite, est une paisible bourgade ouvrière du New Jersey comptant, parmi ses célébrités locales, de grands noms de la poésie américaine, William Carlos Williams et son poulain Allen Ginsberg.

Au-delà de son homonymie, on peut donc dire que Paterson, le personnage, personnifie la ville qu'il habite en dissimulant, sous une apparence assez quelconque, les trésors de sa vie intérieure. Le film aborde donc le thème de l'alter ego et de la complétude intra et interpersonnelle. D'où les nombreux clin d'œil à la gémellité et au noir et blanc. Voire encore, le couple que Paterson forme avec Laura, aussi fantasque et expressive que lui-même est secret et contemplatif, et fonctionnant sur l'équilibre subtil de deux personnalités parfaitement complémentaire.

C'est peut-être dans cette idéal de complétude que se trouve la réponse à l'interrogation ultime que semble poser le film, celle de connaître les motivations profondes qui commandent l'acte de création artistique, quel que soit le vecteur par lequel celle-ci s'exprime.

Ainsi, Laura est à la recherche d'un moyen d'expression qui lui permettra de satisfaire sa créativité débridée, c'est au moins autant par souci de réalisation personnelle que pour des raisons plus prosaïque.  La question qu'elle se pose la question est avant de savoir si sa nouvelle lui lui permettra de s'assurer un moyen de gagner sa vie, qu'il s'agisse de vendre des cupcakes ou de devenir une star de la country.

Paterson, lui, ne s'inscrit pas dans cette démarche. Il n'a aucune envie de publier ses poèmes, malgré les supplications de Laura. Pourquoi écrit-il, dès lors ? Est-il possible de se contenter de créer pour soi ou l'art doit-il forcément être partagé pour trouver sa raison d'être et sa légitimité? C'est la question qu'il semble se poser, dépité, alors que son chien vient de dévorer son précieux carnet de poème, effaçant à jamais toute trace de son oeuvre sur Terre.

La poésie répondrait donc simplement à un besoin naturel et impérieux d'exprimer sa vie intérieure, ne connaissant d'autre finalité que celle d'être satisfait. Mais alors, pourquoi Paterson ressent-il le besoin de lire ses poèmes à Laura ? Pourquoi est-il si profondément perturbé par la perte de son carnet?

Bien sûr, le film n'apporte aucune réponse à ces questions qu'il ne fait d'ailleurs que suggérer, renvoyant le spectateur à ses propres interrogations. Dont celle-ci: quelle obscure pulsion pousse son auteur à écrire un article de blog qui ne trouvera aucun lecteur ?