Enfant prodige du piano doué de l'oreille absolu, Bernie a tôt fait de déserter les bancs des concertos pour accompagner les vedettes du R n' B sur le "chitlin' circuit" des 60's avec de rejoindre Funkadelic à l'aube des 70's. Moins exposé que ses compères George Clinton et Bootsy Collins, il était pourtant à leurs côtés l'un des architectes du son P-Funk.
Défricheur de sons, Bernie aura été l'un des pionners du Moog,ce qui ne l'empêchait pas de jouer de tout ce qui comporte des touches noires et blanches: Yamaha, ARP, Clavinet, mélodica... Il restera notamment dans l'histoire pour avoir eu l'idée géniale de superposer trois Minimoogs afin d'en extraire le son de synthé basse révolutionnaire du séminal "Flashlight" de Parliament.
Son sens absurde de l'à-propos, ses influences baroques et son goût pour l'expérimentation ont ainsi marqué nombre de productions, au delà même du giron P-Funk puisque Bernie collaborera à partir des 80's avec pléthore d'artistes dans des univers très variés, notamment, les Talkings Heads (voir le live "Stop Makin' Sense"), Fela Kuti (l'album "Army Arrangement") ou encore Keith Richards (l'opus solo "Talking Is Cheap").
L'influence de Worrell se fera entendre dans les 90's à travers le son G-Funk initié par Dr. Dre ("Dr. Dre should have a holiday for Bernie Worrell" , selon Mos Def), tandis qu'il poursuivra jusque dans les années 2010 les tournées avec ses Woo Warriors ainsi que les collaborations les plus improbables (l'excellent "Transmutation" de Praxis sous l'égide de Bill Laswell en 1992 ou encore "Turn My Teeth Up de baby Elephant avec Prince Paul et Newkirk en 2007).
Geek des claviers aux allures du savant fou et Merlin l'Enchanteur du P-Funk, Bernie Worrell est finalement parti rejoindre le Mothership ce 24 juin 2016, date terrestre. Nul doute que les sons cosmiques de cet homme de l'ombre modeste et insuffisamment reconnu de son vivant seront plus à même d'être appréciés, quelque part dans l'univers, par une hypothétique civilisation en avance sur nous de quelques années lumières...
Pour les retardataires, petite séance de rattrapage:
- Flashlight de Parliament ("Funkentelechy vs The Placebo Syndrome", Casablanca 1977) où quand Bernie permet à Parliament de scorer son premier #1 R&B tout en imposant un son de synthé basse qui fera école:
- "War Ship Touchante" des Brides Of Funkenstein ('Funk Or Walk", Atlantic 1978) ou l'incursion du Funk dans la Sci-Fi avec l'emprunt du thème de "Rencontres du Troisième Type":
- "Atmosphere" de Funkadelic ("Let's Take It To The Stage", Westbound 1975) ou le maestro en plein délire baroque:
- Les sons spatiaux du "Mothership Connection" de Parliament ("Mothership Connection", Casablanca 1975) inspireront à Dr. Dre l'acquisition d'un synthétiseur Moog lors d'une brocante de quartier et la création de son G-Funk (écouter à partir de 5 min 12s):
- 1984, Worrell colore le son des Talking Heads tout en leur apportant une crédibilité funk au rock arty du groupe new-yorkais:
- "Time Was (Events In The Elsewhere)" et sa superbe intro sur l'excellent album solo "Blacktronic Science" (Gramavision 1993):
- Intergénérationnel, Bernie s'offre une récréation avec ses potes Les Claypool et Buckethead au sein du Colonel Claypool's Bucket Of Bernie Brain (""The Big Eyebal In The Sky", Prawn Song 2004):