Plus qu'un simple blockbuster, le dernier film estampillé Marvel Comics est un creuset de références improbables où se mêlent joyeusement psychédélisme, sagesse orientale et connaissances ésotériques.
Dernier superhéro issu du la célèbre maison d'édition a avoir été porté à l'écran, le Docteur Strange peut se targuer d'avoir apporté un coup de fraîcheur à la série des films Marvel dont la formule commençait sérieusement à s'essouffler. Un pari pourtant risqué tellement l'univers du bon docteur, empreint de paranormal et de mysticisme, est à mille lieues des mutants et autres machines de guerre auxquels a pu s'habituer le spectateur.
Créé en 1963, le Docteur Strange est, à l'instar de ses collègues X-Men, un pur produit de son époque. Mais si le combat des mutants pour l'intégration des mutants à la société faisait écho à celle des afro-américains pour la reconnaissance de leurs droits civiques, le Docteur Strange entendait, pour sa part, refléter la contre-culture de l'époque, marquée par le LSD et un intérêt nouveau de l'occident pour la spiritualité orientale. Ce qu'ont certainement tenu à rappeler les auteurs du film, en distillant ça et là quelques références bien senties aux 60's psychédéliques...
Ainsi, un Stan Lee hilare effectue ainsi son cameo habituel plongé dans la lecture incrédule des "Portes de la perception" d'Aldous Huxley. Ce livre, relatant les expériences de l'auteur du "Meilleur des Mondes" avec la mescaline, fait en effet partie des ouvrages de références sur l'expansion de conscience.
Ailleurs, le spectateur accompagne Benedict Cumberbatch, le temps d'une scène hallucinée aux allures de trip acide, dans un délirant tourbillon psychédélique jusqu'aux confins de l'univers. Un voyage cosmique qui n'est pas sans rappeler celui décrit par Timothy Leary dans "The Psychedelic Experience", réécriture lysegique du "Livre des Morts Tibétains". Une référence qui excuserait, dans une certaine mesure seulement, l'utilisation d'un folklore bouddhique édulcoré pour illustrer l'initiation de Strange au fin fond du Népal.
Si la forme peut paraître un peu grossière, reste qu'on peut voir dans la transformation de Strange la réalisation de sa nature de Bouddha. L'Ancien n'invite-t-il expressément Strange à se débarrasser de son ego, considéré par le bouddhisme comme une illusion ? La perte de ses mains symboliserait alors un renoncement (contraint) au monde matériel, rappelant le mudra que le méditant zen forme avec ses doigts : une position dans laquelle il est impossible d'attraper ou de manipuler quoi que ce soit. En progressant sur la voie spirituelle, Strange développe la compassion, qualité indispensable au bodhisattva, et poursuivra désormais des fins moins égoïstes.
Ce voyage initiatique vers l'orient à la recherche d'un enseignement secret rappelle celui raconté par Georges Gurdjieff dans son autobiographique "Rencontres avec des hommes remarquables". Cet illustre moustachu, détenteur d'un savoir ancestral pour certains et dangereux charlatan pour d'autre, l'homme devait apprendre à devenir un être complet en vibrant en harmonie avec les forces cosmiques. Le personnage du Docteur Strange fait d'ailleurs grand usage du corps astral, l'une des quatre enveloppes dont est composé l'être humain selon Gurdjieff.
Autre grande figure de l'ésotérisme, Cagliostro est quant à lui directement visé comme l'auteur d'un livre servant de porte vers les plus sombres dimensions cosmiques. S'il a prêté son nom à un personnage tiré de l'univers Marvel, le comte de Cagliostro est avant tout un personnage historique dont les supposés talents de guérisseur et de devin ont fait sensation au sein de la haute société du XVIIIème siècle. Disciple du non moins mystérieux comte de Saint-Germain, il avait, dit-on, percé les secrets du grand œuvre alchimique à savoir la réalisation de la pierre philosophale.
Cette pierre philosophale (oui, la même que dans Harry Potter) qui permettait, outre la transmutation des métaux vils en or, d'atteindre l'immortalité. Attribut dont jouit justement, dans le film, l'Ancien dont le look asexué rappelle par ailleurs le rebis, produit final du grand œuvre généralement représenté sous la forme d'un androgyne, symbole de l'union cosmique des énergies contraires.
Les Marvel Comics apparaissent donc bien plus riches que les inepties auxquels certains voudraient un peu trop rapidement les réduire. A condition, c'est vrai, de tirer un bon coup sur les proverbiaux cheveux...
Les Marvel Comics apparaissent donc bien plus riches que les inepties auxquels certains voudraient un peu trop rapidement les réduire. A condition, c'est vrai, de tirer un bon coup sur les proverbiaux cheveux...