dimanche 15 octobre 2017

"Paradise Alley" de Sylvester Stallone (1978)

"Paradise Alley" ("La Taverne de L'enfer" en VF) ou la première réalisation d'un jeune premier nommé Sylvester Stallone. 


Taverne de l'Enfer


Pour la plus grande partie du public, Sly est cette figure de film d'action bodybuildée dont les hauts faits des années 80 et 90 hantent désormais les premières et secondes parties de soirées sur RTL9.  Ce que beaucoup ignorent, ou ont oublié, c'est qu'avant d'épouser ce stéréotype, la star a percé à travers des rôles dramatiques marquants et écrits sur mesures par Stallone lui-même.

En effet, si la suite de la saga verse dans la beaufitude, le premier "Rocky" (1976) est un excellent drame social hanté par des personnages cassés par la vie et néanmoins très attachants.  Stallone campe ainsi Robert "Rocky" Balboa, un boxeur de seconde zone, profite d'une opportunité pour affronter Appolo Creed, champion du monde des poids lourds. Porté par l'amour d'Adrian, Rocky perdra le match mais gagnera son combat contre lui-même en résistant 15 rounds durands  au gnons et beignes administrées par le charismatique Appolo.

L'histoire du film est bien connue. Stallone, acteur fauché, en a écrit le scénario et accepté de baisser le prix offert par la production, à la condition d'interpréter lui-même le premier rôle, pour lequel Robert Redford avait été un temps pressenti. Un coup de poker qui s'est avéré payant:  trois victoires aux Oscars 1977, le lancement d'une série à succès et une vitrine de luxe pour les talents dramatique et d'écriture de Stallone...

Alors, comment est-on passé de "Rocky" à "Cobra" puis "Expendables"? La tentation hollywoodienne, la concurrence avec Schwarzy, la grosse tête (de l'aveu même de l'intéressé)... La conjoncture temporelle aussi, Sly s'étant vautré avec gourmandise dans le mauvais goût des 80's. La bascule s'est certainement produite en 1985 avec "Rambo 2" mais les tape-à-l'oeil "Rocky 3" et "Staying Alive" (improbable séquelle à "Saturday Night Fever" réalisée par Sly lui-même) en annonçaient déjà les signes avant-coureurs.

Reste qu'avant le déclin, Stallone a eu le temps d'inscrire son nom au générique de films à la trame dramatique un peu plus développées, parmi lesquels ce "Paradise Alley" (1978).  L'allée du Paradis. Une traduction littérale tout de même plus classe que "La Taverne de l'Enfer", nom sous lequel le film est connu en France. Un titre bien gaulois qui fait malheureusement fi de l'ironie de la version originale (le film se déroule à Hell's Kitchen, un quartier craignos de New York). Les italiens ont, eux, opté pour un hybride: "Taverna Paradiso". Allez comprendre...

L'action se déroule en 1942 et suit les déboires de trois frères italo-américains faisant de leur mieux pour sortir de leur misère matérielle et sentimentale. Lennie - le corque-mort unijambiste, raisonné et taciturne -, Cosmo - le beau parleur interprété par Stallone - et Victor - le cadet, gentil simplet bâti comme un chêne. Pour réaliser ses rêves de succès, Cosmo va persuader Victor de se lancer dans une carrière de catcheur. Un projet d'abord vu d'un mauvais oeil par Lennie, qui va néanmoins finir par accepter de manager son petit frère. Des tensions, alimentées par une vieille rivalité amoureuse, vont alors ternir les relations entre les deux aînées alors que Victor se démolit progressivement la santé sur le ring...

Car dans le catch version Stallone, les lutteurs se mettent vraiment sur la tronche, alors même que, dans les années 40, la nature simulée de la discipline était déjà largement connue...  Quoiqu'il en soit, le film bénéficie de la présence de légendes du catch, notamment Terry Funk dans le rôle du vilain Franckie la Tabasse, et les combats sont plutôt bien chorégraphiés (un autre grand talent de Stallone).
Pas vraiment porté sur la subtilité, Stallone met également le paquet pour nous dépeindre la misère d'un Hell's Kitchen aux allures de Londres de Dickens et à la population digne de la proverbiale cour des miracles. Pas étonnant dès lors, d'y croiser Tom Waits à la fois dans un de ses premiers rôles au cinéma, celui d'un joeur de panio bar, et comme contributeur à la bande originale du film (signée Bill Conti, déjà auteur du score de Rocky).

Sur le papier, "Paradise Alley" devrait être le film le plus personnel de Stallone. Non content d'en avoir écrit le scénario, de la réaliser et de l'interpréter, à la manière d'un Orson Welles, Sly va même jusqu'à chanter le générique du film. "Too Close To Paradise", une chanson classieuse et dégoulinante de sentimentalité.




Un film personnel également en ce qu'il réunit plusieurs obsessions stalloniennes. 

Il y a en effet un peu de Rocky -l'alter ego de Sly - dans Commo, le personnage campé par Stallone. S'il n'est pas aussi sympathique que le boxeur au grand coeur, il partage le même bagou et sens de la vanne vaseuse ainsi qu'un profil de loser magnifique.  

On pourrait également se risquer à voir dans Lennie, le frère maudit estropié par à une blessure de guerre, un drôle d'écho anticipé au message porté par  "First Blood" (1982), le premier Rambo. Il faut en effet rappeler qu'à l'instar de la franchise Rocky, la série des Rambo était alors porteuse d'une dimension sociale, rapidement troquée contre la panoplie clinquante du mauvais goût 80's.  Ainsi, dans le premier opus, John Rambo est un vétéran de la guerre du Viêt Nam, errant à travers le pays, hébété par le traumatisme de la guerre. Quand il est arrêté pour vagabondage par un shérif au patriotisme zélé supportant mal de voir déambulant ce symbole de défaite nationale dans sa ville, Rambo se transforme en machine de guerre, conditionné par ses douloureux souvenirs de guerre.

Malheureusement, Sly, victime de la dictature de la production, devra opérer des coupes dans les scènes au détriment de la cohérence et de la crédibilité du scénario. Il faut reconnaître que l'interversion des caractères entre Como, le beau parleur rapidement rattrapé par ses scrupules, et Lennie, dont le bon sens ne tarde pas à être émoussé par l'appât du gain, paraît un peu soudaine et que l'évolution des personnages aurait certainement mérité d'être davantage creusée...

On pourrait également reprocher à Stallone d'avoir cherché à tirer sur les mêmes grosses ficelles que celles de "Rocky". La fin de ce "Paradise Alley" est effectivement marquée par un combat particulièrement éprouvant entre Victor et Franckie la Tabasse et qui n'est pas sans rappeler celui de l'étalon italien face à Appolo Creed.

"Paradise Alley" n'en reste pas moins un film super plaisant, son charme 70's n'y étant certainement pas pour rien. Il permet, surtout, de redécouvrir un Stallone plus sincère et intimiste et aux talents multiples, à des années lumières de l'image du Monsieur Biscotos à laquelle il est malheureusement bien souvent réduit...

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