dimanche 15 octobre 2017

Alice Cooper - Zipper Catches Skin (Warner Bros - 1982)

Retour sur "Zipper Catches Skin", le vilain petit canard de la discographie d'Alice Cooper. Un album à zipper, peut-être, mais surement pas à zapper!




"Special Forces" (1981) est souvent saluée comme une réussite, une habile adaptation du shock rock d'Alice Cooper au style new wave alors en vogue. "DaDa" (1983) déchaîne les passions, certains y voyant un chef d'oeuvre caché et d'autre le naufrage final d'un artiste en plein delirium tremens. En revanche, "Zipper Catches Skin" (1982) est généralement ignoré, coincé entre les deux albums susvisés comme "peau de zob dans une braguette" (c'est effectivement la traduction littérale de son titre).

C'est bien bête.

Ce n'est jamais marrant de voir un artiste sombrer dans l'alcoolisme. Et franchement, le look d'Alice époque "Special Forces" faisait plutôt penser à une drag queen de seconde zone rescapée d'un accident de la route qu'au membre d'un commando urbain terrorisant la ville à bord d'une jeep blindée, comme était sensé le suggérer le thème de l'album. "Zipper...", lui, a au moins le mérite d'être un disque fun et sans prise de tête autour d'un quelconque concept foireux.

Musicalement, le Coop'   poursuit dans la veine new wave initiée par l'album précédent. Mais là où "Special Forces" faisait la part belle aux synthétiseurs, "Zipper Catches Skin" marque un net retour aux guitares tout conservant une approche brute et dépouillée. On peut même y voir, toute proportions gardées, une sorte d'album punk du Coop', pas tellement éloigné de ceux qu'enregistrait Iggy Pop à la même période (genre "Soldier" ou "Party"). Une approche musicale particulièrement efficace et jouissive. En plus, l'album est intelligemment divisés en deux face: la première lente et sophistiquées, la deuxième plus speed et azimutée.

Conceptuellement, et contrairement à la plupart de ses prédecesseurs, "Zipper Catches Skin" ne se rattache à aucun idée centrale, susceptible d'un faire un tout cohérent.
Mon délire personnel est toutefois d'écouter cette album d'une traite en suivant la logique propre d'un zapping télé du samedi soir. On saute entre, sur cette chaîne, un conte de noël  ("Make That Money (Scrooge's Song)" en référence au personnage de Charles Dickens) et, sur celle-ci,  en feuilleton en noir et blanc ("Zorro's Ascent") .

[ Petite parenthèse sur cette "ascension de Zorro" qui ouvre l'album par un rock hispanisant. Alice nous conte la mort du héro ("Zorro gît, sans vie, sous le soleil d'Espagne (...) Il a tiré l'épée de son fourreau. Ils étaient venus avec des flingues" - à propos, les aventures de Zorro se déroulent bien en Californie, alors mexicaine, et non en Espagne!).  En effet, il a passé sa vie à voler son prochain mais avec le soucis de défendre l'opprimé ("Fouille ma poche, padre. Cache cette bourse d'or dans ta coiffe et que les maigre paysans se repaissent du bout de gras arraché à une quelconque aristocrate"). Alors, est-il promis à l'enfer ou au paradis?"Vous embêtez pas à prier pour moi" répond-t-il, car "Je suis le renard et je vais où il me plaît. Si les cieux m'ignorent, le diable m'adore (...) Et si Satan me dérange, le paradis a du boulot pour moi". C'est pas du texte ça? Dommage que les artifices grand guignol aient souvent fait de l'ombrage au talent d'auteur de Vincent Furnier.]

Zap. Sur cette chaîne, on enchaîne deux films de science-fiction. ""Class Of '84", d'abord, starring Micheal J Fox et avec sur sa BO "I Am The Future". Composée par le légendaire Lalo Schifrin et chantée par Alice, cette excellente ballade futuriste dresse le décor d'une société dystopique, rongée par l'isolement et l'insécurité.

Suit une quelconque série B narrant l'invasion de la terre par de belliqueux aliens. "No Baloney Homosapiens" est pourtant dédicacé à Steven Spielberg et E.T, le gentil extraterrestre. Un excellent morceau, introduit pas un superbe arpège de guitare, sur lequel le Coop' supplie une race d'aliens voraces d'épargner l'humanité car ne nous sommes pas des "baloney homosapiens". Le texte est à la fois touchant et marrant car reposant sur un jeux de mot crétin autour du double sens du terme baloney (bidon/saucisse). Les homosapiens c'est pas du bidon ni des saucisses, mais des êtres sensibles. "Mon sang est rouge, vous c'est de la glue noire qui coule. Mais ne pourrions pas, justement, éviter les saignements ? Ca vous irait? ".

Zap! Nous voici maintenant en seconde partie de soirée mais également sur la seconde face de l'album. Très homogène, elle enchaîne des morceaux rock directs et sans fioritures. La trilogie centrale de l'album ("Adaptable", I Like Girls", "Remarkably Insincere") est un film érotique de seconde zone. Alice y campe un séducteur cynique et menteur, prêt à sauter tout ce qui bouge en s'enfonçant dans le stupre et le mensonge.

Zap!  On tombe maintenant sur un slasher movie avec "Tag, You're It" et sa référence au film "Halloween" de John Carpenter. Tapis dans l'ombre, une paire de ciseau entre les doigts, Alice s'amuse à persécuter sa pauvre fiancée, Debbie.

L'album finit sur deux morceaux particulièrement jetés, dopés par les coeurs de Flo & Eddie (les chanteurs des Turtles avec leur tube "Happy Together"). "I Better Be Good" sonne suffisamment punk pour passer pour un morceau des Dead Kennedys. Quant au titre de clôture "I'm Alive", c'est un concentré de crétinerie décomplexée. Sur un tempo effréné, Cooper est sauvé de divers périls par ses défunts animaux domestiques soudainement ramenés à la vie. Le fantôme de son chien le sauve de la charge d'un semi-remorque, celui de son cheval d'une chute dans un canyon, tandis que ses amis les rats lui viennent en aide quand il pénètre imprudemment le territoire urbain de la bande des Crutches.
Bref, vous l'aurez compris: malgré l'absence de classiques, "Zipper Catches Skin' est un sacré délire régressif avec son titre stupide et sa brochette de morceaux débiles. Un album à zipper, peut-être, mais certainement pas à zapper!

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